Menaces sur les Encantats

Les Encantats, c'est en France ?

On pourra s'étonner de voir publié sur des sites Internet dédiés aux problèmes français une rubrique concernant des menaces sur un site « étranger ». Alors, pour ceux qui ne connaissent pas, sachez que le massif des Encantats se trouve effectivement dans les pyrénées espagnoles, plus précisément en Catalogne.

Mais du fait des anomalies des frontières, il est entièrement en territoire espagnol (catalan) comme la partie supérieure du bassin de la Garonne et constitue la ligne de partage des eaux entre le bassin de la Garonne (au nord) et le bassin de l'Èbre (au sud). C'est donc un massif montagneux d'accès très rapide en venant de la France (la N20 depuis Toulouse) et très fréquenté par les randonneurs et alpinistes français, souvent plus nombreux que les catalans et les autres espagnols.

Les menaces qui pèsent sur nos pratiques nous concernent donc autant que ce qui se passerait à Cauterets ou à Luchon.

Quelles menaces sur les Encantats et le Parc national d'Aigües Tortes ?

En fouillant sur Internet, on a trouvé un rubrique de protestation faite par la FEEC (Federació d'Entitats Excursionistes de Catalunya) qui est en Catalogne un peu l'équivalent de la FCAF ou de la FFME à www.feec.es/central.htm et, plus précisément, www.feec.es/Noticies/415.htm.

Le gouvernement de Catalogne (Generalitat de Catalunya) a publié dans son journal officiel un projet de décret appelé Plan Directeur d'Usage et de Gestion (PRUG) du Parc National d'Aigües Tortes qui prévoit des règlementation très restrictives quant à nos pratiques d'escalade, d'alpinisme et de randonnée.

Commentaires sur les interdictions : ce que parler veut dire

On remarquera l'existence de restrictions claires pour la randonnée et l'escalade, et pas pour ce que le PRUG appelle « alpinisme ». Alors, en jouant bien avec le mots, la situation est peut-être moins grave qu'il n'y paraît :

Randonnée
se dit senderisme/o en catalan et espagnol, et cela veut exactement dire « randonnée sur sentier », à la différence de la randonnée alpine qui se pratique hors sentier. Alors, interdire le « senderisme » hors sentier est une interdiction vide !

Alpinisme
est défini dans le texte (article 24) : On entend par alpinisme, en ce qui concerne le présent plan directeur, la réalisation d'ascensions de sommets élevés ou d'accès difficile ainsi que les traversées de haute montagne par les crêtes ou les voies sans itinéraires balisés.

Escalade
est défini aussi dans le texte (article 24) : On entend par escalade, l'alpinisme pour la pratique duquel il est nécessaire de disposer de moyens artificiels d'assurage [de subjecció] et d'ancrages dans les rochers.

En y regardant bien, aucune restriction de l'alpinisme ne figure dans le PRUG (hormis les zones minimes de réserve naturelle) mais seulement pour le « senderisme » et l'escalade.

Curieusement, le PRUG appelle « escalade » l'alpinisme qui utilise des ancrages artificiels. Ce qu'on ne sait pas, c'est si la progression encordée (la signification du mot catalan « de subjecció » est obscure dans ce contexte) est de l'escalade, ou de l'alpinisme dès lors qu'on n'utilise que la corde, des sangles ou peut-être des coinceurs.

A priori, si on dit qu'on « fait de l'alpinisme » à chaque fois qu'on s'écarte des sentiers pour aller sur un sommet voisin hors sentier, on n'est pas répréhensible... au pied de la lettre.

Les installations et désinstallations prévues

Numerus clausus et mesures sécuritaires

Conclusions

Tel qu'il est littéralement écrit, le PRUG ne nuit que très peu à la pratique du « montagnisme » : il suffit de dire qu'on fait de l'alpinisme quand on gravit un sommet hors sentier et il est normal de demander aux gens qui suivent un sentier de rester dessus.

En revanche l'interprétation future peut être dangereuse. Par exemple on ne sait pas si les « sentiers existants » et autorisés seront les sentiers, bons ou médiocres qui existent et se voient sur le terrain, ou si ce ne seront que quelques grands sentiers surlignés en rouge sur les cartes. De même on ne sait pas si (comme c'est le cas à Tenerife) tous les raccourcis seront fermés et interdits.

Enfin, plusieurs articles permettent à l'administration du Parc de prendre des dispositions conservatoires supplémentaires, par exemple donner une définition très restrictive de l'alpinisme. En particulier, s'il est certain que la randonnée sur sentier répertorié reste libre, on peut craindre l'absence de réglementation de l'alpinisme apparaisse comme une erreur ou un oubli, et que les « alpinistes » soient obligés de s'enregister (voire demander un permis) pour déroger à la règle générale d'interdiction de sortir des sentiers établis.

De même, en ce qui concerne « l'escalade », on ne sait pas si l'inventaire prévu sera exhaustif, ou se limitera à un petit nombre de classiques.


Quand on compare ceci aux nombreux projets à l'intention du grand public, on peut se demander comme le font les excursionnistes catalans si ce PRUG n'est pas : « Moins de liberté pour les amoureux de la nature, mais plus de services pour les touristes consommateurs ``du dimanche''. On veut réduire seulement les activités sans grand intérêt économique direct. L'intérêt pour la protection de la nature est absolument soumis à l'intérêt économique. »

Dans tous les cas, on vous suggère de signer la pétition de la FEEC (hélas en catalan) à http://www.feec.org/alegacions.htm.

Discours du président de la FEDME

Alerté par divers membres, et sans doute aussi par nos inquiétudes, le président de la FEDME (équivalent espagnol de la FFME) a prononcé un discours très incisif devant la Commission Environnement du Sénat espagnol le 3 février 2003.

On entrouvera le texte intégral (en espagnol, en attendant une traduction) dans fedmesen.doc


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