Quelques recommandations aux grimpeurs

Comme beaucoup d'activités de pleine nature l'escalade a la particularité d'être un sport qui se pratique en des endroits généralement distants et différents des lieux d'habitation ou de travail usuels. Bien que distants et différents, ces lieux n'en sont pas pour autant inhabités et il arrive, malheureusement, que des « frictions » apparaissent entre populations autochtones et populations grimpantes. Bien que certaines réactions de rejet de l'étranger « différent » qu'est le grimpeur ne soient pas à négliger, il convient de dire que le comportement de celui-ci est en grande partie responsable de ces situations.

Si l'on peut admettre grosso modo que ce qui se passe dans les parois ne concerne que le milieu grimpeur et la protection de la nature (voir plus loin), il convient d'insister sur le fait que les abords de beaucoup de falaises sont des terrains agricoles, forestiers, voire commerciaux. Bref les grimpeurs sont loin d'être les seuls ayants-droit sur ces territoires qui sont l'outil de travail ou la source de revenus des habitants locaux. En d'autres termes les grimpeurs doivent se comporter en invités discrets et non pas en conquérants.

C'est pourquoi, dans les régions agricoles ou d'exploitation forestière, nous demandons expressément aux grimpeurs de restreindre leurs accès aux parois aux seuls chemins ruraux coutumiers et, à la rigueur, aux terrains en friche. Il n'est pas déraisonnable de rallonger d'une heure l'approche, ou de poser un rappel, pour éviter de piétiner un champ cultivé.

Compte tenu du fait que beaucoup de grimpeurs sont des citadins, il ne nous paraît pas inutile ici de leur rappeler quelques règles de savoir-vivre rural. Si la règle urbaine est qu'on ne doit jamais franchir une clôture (c'est un « délit ») alors qu'on peut normalement circuler sur tout terrain non clos (le panneau « propriété privée » n'ayant en France qu'une valeur indicative) à condition de n'y causer aucun dommage, l'usage rural est différent : même s'il n'est pas clos, on ne pénètre jamais dans un champ ou dans un pré à faucher, et le fait que les citadins ne soient pas toujours capables de distinguer un pré non fauché d'un terrain en friche ne peut pas être considéré comme une excuse valable ! En revanche il existe deux sortes de clôtures, souvent indiscernables l'une de l'autre : celles destinées au seul bétail, que l'on peut franchir à condition de ne pas l'endommager ou en refermant le portail, et celles qui sont destinées à interdire le passage aux intrus. On ne saurait donc trop conseiller aux grimpeurs de se renseigner localement sur les accès tolérés vers une falaise convoitée avant de s'y diriger « à vue ».

Ce qui a été énoncé ci-dessus est encore beaucoup plus valable pour les voitures. En premier lieu il ne faut jamais garer un véhicule en dehors des emplacements prévus pour le stationnement : si le passage des piétons est un dommage négligeable dans un terrain en friche, le stationnement des véhicules y crée des dégâts longs à effacer ; en outre une voiture en stationnement dans un chemin étroit laissera sans doute le passage pour une autre voiture, mais pas pour un engin agricole ou forestier ; enfin une circulation trop intense sur les chemins ruraux risque de gêner le travail agricole si les croisements sont difficiles.

Chaque fois que vous le pouvez, achetez les produits locaux, fréquentez les bars et restaurants, accordez vos faveurs au commerce local, surtout dans la commune où sont situés les rochers : en cas de difficultés avec la population, les intérêts économiques sont nos meilleurs alliés...

Une autre remarque importante quant aux ordures : beaucoup de grimpeurs croient être en règle avec la propreté et l'écologie en abandonnant scrupuleusement un sac d'ordures impeccablement ficelé à l'entrée du parking ou sur le bord de la route en se disant qu'il sera enlevé le lendemain par la benne des ordures ménagères. C'est ignorer que la plupart des communes rurales (et financièrement pauvres) n'ont pas les moyens de se payer un ramassage général des ordures le long de toute leur voirie, que dans le meilleur des cas ce ramassage est limité au centre du village, et que bien souvent les habitants vont eux-mêmes porter leurs ordures à la décharge, à moins de les incinérer chez eux. Il ne convient pas non plus de les emporter à la décharge locale, car celle-ci suffit peut-être (avec nuisances) à un village de 100 habitants, mais pas à des centaines de grimpeurs venant occuper les lieux chaque dimanche. Il ne faut pas non plus faire trop confiance aux corbeilles ou conteneurs installés sur place : l'expérience montre qu'ils sont trop petits et que leur vidage est irrégulier ; nous vous conseillons de ne pas y mettre vos ordures afin de laisser la place à quelqu'un qui sera moins consciencieux que vous qui faites l'effort de lire ces lignes, et de vous en tenir à une règle absolue :

REMPORTEZ CHEZ VOUS TOUTES VOS ORDURES !

... et même un peu plus si possible.

Si vous habitez à des centaines de kilomètres, vous pouvez toutefois profiter d'un passage dans une grande ville ou sur un parking d'autoroute pour adjoindre votre sac d'ordures (fermé) à un rassemblement de poubelles attendant le ramassage du lendemain. En l'absence de W.C., ce qui est hélas le cas usuel, enfouissez le papier hygiénique de façon à faciliter sa bio-dégradation ; s'il y en a trop et si la sécurité le permet, brûlez-le ; en dernier ressort, ramassez-le avec les ordures.


Indépendamment des habitants des environs, le grimpeur n'est pas le seul à avoir des droits sur la paroi ou le rocher qu'il gravit ; il peut y avoir des trésors archéologiques, ou une végétation exceptionnelle à conserver, ce qui motive l'interdiction de grimper dans certains secteurs. Cependant la végétation et les vestiges préhistoriques ne souffrent des escaladeurs que s'ils les piétinent ou les arrachent ; en revanche la simple proximité des grimpeurs peut perturber gravement la reproduction d'oiseaux qui nichent dans les rochers. Or il convient de bien savoir que, contrairement à l'homo erectus un peu abusivement qualifié de sapiens et à son hybride de primate qu'est l'escaladeur qui prolifèrent massivement, certaines espèces d'oiseaux sont gravement menacées d'extinction.

En ce qui nous concerne, il s'agit du faucon pèlerin, de l'aigle royal, de l'aigle de Bonelli, du vautour fauve, du hibou grand-duc et du grand corbeau freux qui nichent et procréent justement dans les falaises intéressant les varappeurs ; or la population de certaines de ces espèces se compte au mieux par dizaines dans toute la France. Si donc ils sont simplement dérangés une seule fois pendant la période de nidification et de couvaison (février à juin en général) c'est une couvée qui meurt, soit le dixième de la population future qui est détruite. S'il est vrai que que le plus gros travail d'extermination a été fait par les pesticides, la chasse et la bêtise, il serait navrant qu'on puisse dire que ce sont les escaladeurs qui leur ont porté le coup de grâce.

C'est pourquoi, plutôt que d'en arriver à des mesures draconiennes d'interdiction (comme par exemple en Allemagne) nous déconseillons vivement de grimper hors des sites sportifs de février à juin (compris), à moins de s'être assuré de l'absence de nids par une enquête approfondie et une observation de plusieurs jours à la jumelle. Précisons que dans certains départements (Ain, Doubs, Jura, Côte d'Or) un arrêté préfectoral de « biotope » interdit l'escalade dans la majorité des falaises de grande ampleur, du 1er février au 15 juin. Ajoutons que cette interdiction est absolue, et que les ornithologues montent la garde à portée de jumelle de ces parois, les surveillent continûment et avertissent immédiatement les autorités forestières ou rurales en cas de transgression. Ces autorités sont généralement impitoyables, et les amendes varient de 2 000 à 60 000 francs (tarif 1986)...


En ce qui concerne l'équipement des sites sportifs, la FFME (conformément à sa mission de fédération sportive) a décidé que leur entretien était de la compétence de ses Comités Départementaux, lesquels confient souvent cette mission à des associations locales ou régionales, mentionnées à la rubrique ent dans le répertoire.

Aussi, lorsqu'une voie est déclarée « équipée » dans les topo-guides, cela veut dire que l'équipement est considéré comme suffisant pour les grimpeurs du niveau général de la voie. Il n'est donc pas admissible que les grimpeurs en modifient l'équipement, même temporairement, sous peine d'arriver à de graves conflits voire à des actions judiciaires. Pour ces voies « équipées » et en général dans tous les sites sportifs, nous demandons donc aux grimpeurs de n'emporter ni pitons ni marteau, mais seulement un jeu de coinceurs et de sangles. Ceci implique qu'on se renseigne sur l'étalonnage des cotations locales, sur l'éventuelle obsolescence du topo-guide et qu'on jette un coup d'œil pour s'assurer que l'équipement annoncé est toujours en place. Le grimpeur incapable de passer avec l'équipement normal doit, soit chercher une issue de secours, soit se faire jeter une corde du sommet, soit redescendre en libre ou en rappel. Il ne doit pas rajouter de pitons. En revanche le COSIROC et la FFME insistent auprès des équipes d'entretien pour que l'équipement en place tienne compte du niveau des grimpeurs auquel chaque voie s'adresse, et non de celui des plus forts de la région.

Lorsqu'une voie est déclarée « non-équipée » ou « quelques pitons en-cas » (situation que le COSIROC considère comme regrettable dans les massifs « sportifs »), nous conseillons soit de faire œuvre utile en équipant la voie, après concertation avec l'équipe assurant l'entretien usuel ou le Comité Départemental FFME local, soit de faire un usage minimum des pitons qui dégradent le rocher, en utilisant au maximum l'assurage naturel ; de telles voies étant généralement peu fréquentées, mieux vaut aussi surestimer les difficultés avant le départ.

Dans les « terrains d'aventure » les règles sont nécessairement plus souples, mais nous conseillons aux grimpeurs de limiter leur intervention au remplacement des pitons défectueux, et de s'abstenir de procéder à un rééquipement systématique sans avoir consulté les Comités Départementaux FFME. En effet, l'absence ou la quasi-absence d'équipement dans certaines grandes voies résulte souvent d'une volonté délibérée de conserver l'engagement voire l'exposition d'origine. En revanche, le nettoyage des herbes, des ronces et des pierres branlantes est toujours une œuvre utile... en prenant garde bien sûr à ne blesser personne et en veillant à ne détruire aucune plante protégée.


Sauf nécessité absolue, renoncez à l'usage de la magnésie : en effet cette substance blanche est utile pour absorber la sueur et augmenter (provisoirement) l'adhérence des mains, mais hélas, trois fois hélas, cette poudre stupide ne sait pas faire la distinction entre la noble sueur du grimpeur et l'humidité ambiante, de sorte qu'après usage elle se gorge d'eau pour offrir ensuite une adhérence rappelant la savonnette, tout en colmatant les aspérités naturelles du rocher ; d'où la nécessité de mettre des quantités de plus en plus grandes de magnésie pour sécher non seulement la sueur mais la rosée des nuits précédentes. Au lieu de magnésie, nous vous conseillons l'usage de la résine pilée ou colophane (le « pof ») qui a le mérite d'être hydrofuge, d'augmenter l'adhérence des mains et des pieds, et d'être bio- et hélio-dégradable. La magnésie est soluble dans l'acide chlorhydrique dilué.

Enfin nous ne saurions trop recommander aux grimpeurs « invités » dans un massif à un minimum de modestie vis-à-vis des grimpeurs locaux qui, s'ils sont peut-être un peu moins forts, ont eu le mérite collectif d'avoir découvert et équipé les lieux. Il faut dire que l'attitude méprisante de certains a conduit à une détérioration regrettable de l'ambiance de certains massifs. Dans le meilleur des cas, ceci ne conduit qu'à des quolibets ou des remarques désobligeantes adressés aux intéressés, mais souvent cette irritation s'étend à tous les étrangers au massif avec des conséquences parfois bénignes (refus de divulguer l'existence de massifs d'escalade) mais quelquefois redoutables : sous-cotation de passages bien connus des initiés, aiguillage délibéré vers des impasses, diffusion de fausses informations sur l'équipement ; tout ceci ayant « en principe » pour but de vérifier si les grimpeurs extérieurs sont aussi forts qu'ils le prétendent... Rappelons aussi que l'escalade est encore un sport minoritaire dont la pratique dérange un certain nombre de prudences et de conformismes : il suffit de quelques dégâts aux biens, de quelques accidents ou incidents alliés à un zeste de xénophobie pour convaincre un maire, élu par la population locale et non par les grimpeurs, de prendre un arrêté interdisant l'escalade sur tout ou partie de son territoire. C'est déjà arrivé !

On peut regretter à ce sujet qu'aucun texte législatif n'ait encore vu le jour qui ferait de l'accès aux sites d'escalade un droit ; mais on doit aussi être conscient qu'un article de loi ou un décret, s'ils peuvent contraindre un propriétaire isolé, ne pourront jamais convaincre une population hostile et décidée à se débarrasser d'intrus nuisants.


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une collaboration COSIROC et www.kairn.com ,
© CoSiRoc   25/01/2008