Le jugement

Le tribunal administratif de Marseille (audience du 23 janvier 200l), [...]

Sur la compétence

Considérant que le contentieux touchant à la gestion du domaine privé des communes relève, en règle générale de la compétence des juridictions judiciaires; que, toutefois, dans le cas de l'espèce, l'arrêté du maire de Rougon interdisant pendant toute l'année la pratique de l'escalade et du « base-jump » sur le domaine privé de la commune de Rougon a été édicté non pour la gestion ou la protection du domaine privé de la commune, mais, aux termes non contestés des déclarations du maire de ]a commune au journal Libération, en vue de réglementer la circulation et la fréquentation du public et en vue de diminuer les risques d'engagement de la responsabilité de la commune ou de son maire; qu'ainsi ledit arrêté a, par son objet et son extension dans le temps et dans l'espace, le caractère d'une mesure réglementaire de police administrative; que, dès lors, la juridiction administrative est compétente pour connaître des conclusions tendant à l'annulation et au sursis à exécution de cet arrêté;

Sur la recevabilité des requêtes présentées par les associations requérantes

Considérant qu'il ressort des statuts des six associations requérantes qu'elles ont toutes pour objet l'exercice de l'escalade et des disciplines sportives liées à la montagne, dans le grand canyon du Verdon pour l'association Lei Lagramusas et dans un territoire géographique non défini pour les autres associations, et donc notamment dans le canyon du Verdon qui est un site de renommée internationale fréquenté par les sportifs de toutes régions; qu'il ressort aussi des pièces du dossier que ces associations organisent par elles-mêmes et souvent avec l'appui des pouvoirs publics des activités et des compétitions liées à la montagne dans le canyon du Verdon;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que les présidents des associations requérantes sont habilités à ester en justice par les organismes compétents desdites associations;

Considérant que, par suite, les associations requérantes ont intérêt et qualité à agir contre l'arrêté du maire de Rougon;

Sur les conclusions d'excès de pouvoir

Considérant, comme il a été dit ci-dessus, que l'arrêté attaqué du maire de Rougon a le caractère d'une mesure réglementaire de police administrative; que ladite mesure, qui s'applique de fait et malgré son imprécision, à des sites d'escalade fréquentés et connus, constitue une interdiction trop générale et absolue qui est disproportionnée aux buts poursuivis et dont la nécessité ne ressort pas des pièces du dossier; que dès lors les associations requérantes et le Préfet des Alpes de Haute-Provence sont fondés à en demander l'annulation;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation

Considérant qu'il est constant que les conclusions exposées par la FFME, la FCAF, le CAF Île-de-France, le CAF Marseille-Provence, le CAF Cannes-Côte-d'Azur et l'association Lei Lagramusas n'ont pas fait l'objet d'une réclamation préalable; qu'en application de l'article R421-1 du code de justice administrative: « la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision... »; que, par suite, et comme le soutient la commune de Rougon dans ses mémoires en défense, lesdites conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ; [...]

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Rougon à payer à chacune des associations suivantes: FFME, FCAF, le CAF Île-de-France, le CAF Marseille-Provence, le CAF Cannes-Côte-d'Azur, Association Lei Lagramusas, une somme de 6000 francs au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens;

Décide

Article 1 : L'arrêté du maire de Rougon nº68 du 31 juillet 2000 est annulé.

Article 2 : Les conclusions des associations requérantes tendant à l'allocation de dommages et intérêts sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes [...] tendant au sursis à exécution de l'arrêté attaqué.

Article 4 : La commune de Rougon est condamnée à verser 5000 F au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative à chacune des associations suivantes: FFME, FCAF, CAF Île-de-France, CAF Marseille Provence, CAF Cannes-Côte-d'Azur, Association Lei Lagramusas.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Rougon tendant à la condamnation des associations requérantes et de l'État au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Le maire fait appel...

En septembre 2001, la FFME a appris par le tribunal administratif de Marseille que le maire de Rougon avait fait appel. Heureusement, cet appel n'est pas suspensif de l'annulation de sa décision. On peut donc continuer à grimper nusqu'à nouvel ordre...


,
une collaboration COSIROC et www.kairn.com
© CoSiRoc [Taupin] dim 24-08-03